Refuge pour les itinérants aux Jardins Gordon à Verdun : bilan en chiffres et questionnements

Près de trois mois après son ouverture aux Jardins Gordon à Verdun, le refuge temporaire pour les personnes itinérantes a fait l’objet d’une soirée d’information et d’échanges en mode virtuel le 28 février, sous l’impulsion de l’Arrondissement de Verdun. Cette réunion a permis aux différents partenaires impliqués dans cette initiative de faire un premier bilan à mi-parcours.

Ouvert depuis le 1^er décembre, le refuge va bien fermer ses portes le 30 juin, tel qu’annoncé au début. En juin 2023, la Ville de Montréal a acquis l’ancienne résidence pour personnes aînées afin de la transformer en logements abordables.

Le refuge temporaire en chiffres

Le directeur général de la Société de développement social (SDS), Martin Raymond, a tout d’abord mentionné que le refuge a un taux d’occupation quotidien de 98% avec une majorité d’hommes. En moyenne, 37% de ses utilisatrices et utilisateurs proviennent de Verdun.

« On refuse 5 à 10 personnes par jour. La raison pour laquelle on n’est pas à 100% d’occupation en moyenne, c’est qu’on réserve des lits pour les gens de l’Arrondissement de Verdun, soit pour les organismes communautaires ou encore le SPVM », a précisé M. Raymond.

Une brigade de médiation sociale circule autour du refuge. En plus des services de base, des ateliers d’employabilité sont offerts aux personnes qui fréquentent ce service d’hébergement.

De son côté, le commandant du poste de quartier (PDQ) 16 à Verdun, Maxime Beaulieu, a résumé les actions entreprises par le SPVM depuis l’ouverture du refuge, incluant du porte-à-porte et des visites régulières au refuge. Des patrouilles à pied et à cheval ont également été menées dans le secteur.

Pour effectuer les suivis des demandes et ajuster ses actions, le PDQ a mis en place un registre. En moyenne, 2 appels par jour ont été logés par le service d’hébergement d’urgence Gordon pour recevoir de l’assistance. « On a eu 4 appels ou demandes provenant des citoyens et citoyennes depuis l’ouverture du centre », a-t-il fait remarquer.

Pour sa part le CIUSSS Centre-Sud de l’Île de Montréal offre un accompagnement personnalisé à la demande et des services d’urgence psychosociale. « On s’ajuste à leur rythme. On profite du besoin initial pour essayer de créer le lien et ensuite d’accompagner la personne. Ce n’est pas juste attendre que la personne vienne dans nos installations, c’est vraiment d’aller à leur rencontre », dit Vicky Kaseka, directrice santé mentale et dépendance.

Finalement, le coordonnateur des stratégies immobilières à la Société d’habitation et de développement de Montréal, Stéphane Bernaquez, qui reprendra bientôt les Jardins Gordon, a mentionné les importants travaux prévus sur l’enveloppe extérieure et la maçonnerie pour le rendre conforme à son projet.

« On a déjà commencé des expertises sur le bâtiment. On a entre autres fait des relevés sur l’amiante. Bonne nouvelle, il n’y a pas d’amiante dans le bâtiment. On a fait des relevés sur le site et il y a peu de contamination sur le terrain » se réjouit-il en ajoutant que son équipe travaille sur la préparation d’un appel d’offres pour des services professionnels en architecture.

À terme, l’objectif est de créer 89 logements abordables allant d’un studio à deux chambres à coucher.

Quelques félicitations, des incompréhensions, mais aussi beaucoup de critiques

Un premier citoyen se demandait si les rencontres du comité de bon voisinage seraient maintenues mensuellement, ce à quoi on lui a répondu que celle du mois de février avait été remplacée par cette séance d’information.

Un autre résident a dit être rassuré par ce qui a été dit plus tôt, mais « que la majorité des résidents de la rue ne communiquent pas directement avec la police, même si on trouve des itinérants assis sur nos balcons, même si on se fait voler nos colis, même si les gens viennent uriner sur nos clôtures, on essaie d’être discret et de ne pas provoquer ».

Une autre personne se questionnait sur la durée des travaux de réaménagement. « On parle d’un début des travaux dans la deuxième moitié de 2024 et l’aménagement dans l’immeuble dans la deuxième moitié de 2025 », a répondu Marie-Andrée Mauger, la mairesse de Verdun.

Une membre du conseil d’administration du 1000, rue Gordon, a mentionné que 3 entrées par effraction avec vol ont été commis dans son immeuble, que des voitures de propriétaires ont été pillées et « que des gens ont urinés sur la haie de cèdre, sur nos voitures aussi ». Elle affirme que les résidents ont dû débourser d’importantes sommes pour améliorer les systèmes de sécurité de l’édifice, dont de meilleures caméras de surveillance. Elle se demandait donc s’il serait possible d’obtenir une compensation de la Ville de Montréal.

Mme Mauger l’a référée au système centralisé des réclamations de la Ville de Montréal.

Une autre dame a mentionné avoir subi une micro-agression alors qu’un itinérant aurait littéralement jappé après elle et son chien. « J’avais déjà peur et j’ai maintenant un sentiment d’insécurité augmentée. Je ne peux pas non plus appeler le 311 pour une madame qui vient de baisser ses culottes et qui urine. Les vidanges sont virées à l’envers. Ma clôture est maintenant remplie de graffitis », raconte-t-elle visiblement secouée en soulignant les efforts de tous les intervenants, mais en exprimant sa crainte que plusieurs itinérantes et itinérants s’installent à plus long terme à Verdun.

Le commandant Beaulieu l’a invitée à contacter le PDQ, peu importe la problématique, en envoyant un courriel au poste, par exemple. « Ça nous permet de réorienter nos interventions de façon plus spécifique. Également, ça va nous permettre de compiler tous les évènements qui vont s’être produits autour du centre », dit-il.

Plusieurs résidentes et résidents ont aussi mentionné ne pas avoir vu de patrouille à pied de la SDS. M. Raymond a expliqué qu’un enjeu d’impression a empêché de recevoir les brassards pour le moment, mais qu’une équipe effectuait bel et bien le travail. 

Un autre citoyen se demandait ce qu’il adviendrait des personnes en situation d’itinérance après le 30 juin. « On est à la recherche de nouveaux sites à Montréal pour les accueillir.  On est en train de travailler avec toutes les équipes pour les relocaliser », a confirmé Nicolas Pagot, chef de section, pôle Itinérance, à la Ville de Montréal. 

Le directeur général de la SDS a ajouté que des plans d’action individualisés seront faits à partir de mars pour rediriger ces personnes vers d’autres ressources. Il aimerait ainsi réduire progressivement le nombre de places au cours des semaines précédant la fermeture. Davantage de membres de son équipe seront présents à l’extérieur au cours des prochaines semaines.

Enfin, la mairesse de Verdun, interrogée sur la pertinence d’ouvrir un autre refuge à plus long terme, n’a pas fermé la porte à l’idée, mais elle a déclaré que ce n’était pas encore dans les cartons.

La photo de l’entrée du refuge Gordon en haut de cet article a été prise par Carl Sincennes.