C’est la fin des Productions Multisens après 28 ans à Lachine

Les Productions Multisens de Lachine sont contraintes de tirer leur révérence après une histoire de 28 ans. Après avoir tenté de relancer ses activités à la suite de la pandémie, l’organisme à but non lucratif lachinois est confronté à un manque à gagner structurel, une absence de relève à la direction et un épuisement des ressources humaines.

La fin d’une belle histoire artistique devenue impossible à financer

Les compagnies de théâtre amateur, comme Multisens, ne rentrent dans aucune catégorie de financement provincial récurrent contrairement aux entreprises professionnelles, comme l’explique sa cofondatrice, Sylvie Blanchet. Seules des aides ponctuelles sont offertes pour réaliser des projets.

De son côté, le programme éducatif s’autofinance, mais il est primordial de dégager une marge de manœuvre pour la pérennité de l’organisme, ce qui n’était plus le cas depuis l’arrêt forcé avec les confinements successifs.

Bien que l’Arrondissement de Lachine fournisse le local, il a récemment changé sa politique de financement des organismes, selon Mme Blanchet. Dorénavant, une enveloppe est accordée selon le nombre de membres. « Cela ne couvrait que 20% des frais fixes (assurances, vérification comptable et des antécédents judiciaires, conciergerie). Tu n’as même pas commencé la production et tu as 9000$ de frais fixes par année », se désole Sylvie Blanchet en précisant que la principale source de revenus de l’organisme provenaient des inscriptions aux activités.

Multisens réussissait à dégager un petit coussin chaque année, mais l’arrêt de l’industrie du spectacle aura grugé toutes les économies de l’organisme lachinois.

« On aurait eu besoin d’être reçus et entendus, parce qu’on a levé le drapeau, plus d’une fois auprès de l’administration municipale actuelle. Ce qu’on souhaite tous au sein du conseil d’administration, c’est un changement de paradigme au niveau [du financement] de la culture », souligne la pédagogue en nommant également le provincial et le fédéral.

Elle souhaiterait qu’un financement soit accordé pour assumer les frais fixes.

« Tout le travail de direction générale, de direction de production, de direction artistique, c’était bénévole », dit-elle en ajoutant qu’aucune ou aucun jeune n’était intéressé à reprendre la direction, surtout au niveau administratif.

Fermeture définitive avant la fin 2023, pas d’activité à l’automne

Pour toutes ces raisons, le conseil d’administration a dû se rendre à l’évidence et recommander la dissolution de l’organisme d’ici à la fin de l’année. Aucune activité n’est donc prévue à l’automne.

28 ans au service de la communauté de Lachine

C’est en 1995 que Sylvie Blanchet, France Lafontaine et Lissa Desrochers fondent cet organisme culturel à Lachine. Elles voulaient offrir une voix aux artistes du milieu.

« On est connu et reconnu pour le médium théâtral, mais la mission, c’est de créer des liens entre les générations, les gens et les institutions, par la création et la diffusion de projets multidisciplinaires et c’est ce qu’on a fait pendant 28 ans », affirme Mme Blanchet.

Dès ses débuts, l’organisme a offert un programme éducatif avec ses ateliers de théâtre. Il a également présenté de l’animation théâtrale et des événements d’envergure, entre autres avec la Société d’histoire de Lachine. En plus du théâtre, Multisens a aussi produit des balados et du radiothéâtre.

Au cours des années, de nombreuses personnes ont été formées à Multisens. Plusieurs travaillent encore aujourd’hui dans le domaine que ce soit en technique, sur scène ou dans la mise en scène.

« Le moteur de tout ça, c’est l’étincelle qu’on pouvait voir dans les yeux des enfants, le déploiement de leur expression propre, les liens qu’ils créent avec les autres », s’émerveille Sylvie Blanchet.

Quelles suites pour Multisens et Sylvie Blanchet?

Sylvie Blanchet croit que l’organisme culturel laisse un bel héritage que ce soit par les gens qu’il a touchés grâce à ses œuvres, mais aussi par ses productions ancrées à Lachine. Les textes originaux seront partagés à la Société d’histoire. Pour la plupart, ils ont été écrits par et pour des jeunes. Plusieurs adaptations ont aussi été faites.

Durant la pandémie, un inventaire électronique complet des décors et des accessoires a été réalisé, ainsi qu’un registre des costumes. Le tout est entreposé au sous-sol du Regroupement de Lachine sur plus de 275 mètres carrés. De plus, Multisens possède tout l’équipement technique nécessaire à la production.

« Ça nous a permis de faire des productions à moindre coût. Chaque année, on faisait des acquisitions de grande qualité. On a été un créateur d’emplois pour tous les métiers de la scène », explique Mme Blanchet.

Même si c’est la fin pour Multisens, ce n’est pas la fin pour cette directrice artistique, metteure en scène et autrefois enseignante. « Je crois profondément à l’importance de la place de l’art dans la société, à la fonction de l’art », conclut-elle.

« Tu vas me retrouver à quelque part. Peut-être à un moment donné sur un bateau-école, je ne sais pas », lance-t-elle en riant.

Toutes les photos dans cet article ont été prises par Carl Sincennes en août 2023.