Secteur Bridge-Bonaventure: Entre histoire industrielle et futur urbain ?

À Bridge-Bonaventure, dans l’est du quartier de Pointe-Saint-Charles, l’organisme Action Gardien s’oppose aux plans de développement des terrains proposés par les promoteurs. Régulièrement, des visites guidées de trois heures explorant le passé du site et les projets en cours sont offertes par le professeur d’histoire au Cégep Gérald-Godin, Nicolas-Hugo Chebin, pour sensibiliser la population à «reprendre le plein pouvoir de son propre avenir».

Une visite guidée et engagée ?

«Il y a un aspect historique et politique à cette visite», explique d’entrée de jeu Simon Paquette, chargé de projet pour Action Gardien, l’organisme qui organise cette visite. Il estime qu’elle aide à comprendre concrètement les enjeux du secteur. M. Paquette déplore le manque de connexion entre les habitants et habitantes de Pointe-Saint-Charles et ce secteur industriel voué à la transformation, en marge des zones résidentielles. 

Lors de sa visite, M. Chebin met en valeur le riche patrimoine industriel du quartier, mentionnant, en chemin, certaines entreprises centenaires dont ADM-Five Roses, la distillerie Sazerac, la Canada Maltage et les Cinémas Mels. Il espère que cet héritage ne sera pas oublié dans la planification urbaine. Résident de Pointe-Saint-Charles, il a déjà publié un ouvrage historique sur le secteur Bridge-Bonaventure.

Avec le soutien de la Société d’histoire de Pointe-Saint-Charles (SHPSC), il s’oppose à la « banalité des constructions » envisagées par plusieurs développeurs, attirés par les terrains vacants non loin du centre-ville, de Griffintown et du Vieux-Port de Montréal. 

La fin d’une époque à Pointe-Saint-Charles ?

L’historien présente l’ampleur du développement économique et démographique du quartier pendant l’ère de l’industrialisation. Il explique comment de nombreuses entreprises situées à Pointe-Saint-Charles aujourd’hui, ont déjà quitté ou vont quitter la région pour s’installer dans des zones plus éloignées de Montréal. Ce dernier décrit comment DEVIMCO, une entreprise de développement résidentiel et commercial, a pris possession d’un terrain maintenant loué par Ray-Mont Logistics, une entreprise de transbordement. Quand elle partira, les constructions pourront être entamées sur le terrain. « À qui appartient vraiment la ville ?», demande-t-il. 

Bien que le professeur d’histoire soit favorable à la densification du quartier, il s’oppose fermement à sa défiguration par de grandes tours aux frais mensuels excessifs pour les locataires. Il souhaiterait une densification de Pointe-Saint-Charles qui s’éloigne de celle de Griffintown, qu’il utilise en contre-exemple lors de ses visites.

Mobiliser pour le passé

Nicola-Hugo Chebin met en avant des exemples de mobilisation citoyenne réussie à Pointe-Saint-Charles, notamment contre l’installation d’un nouveau casino par Loto-Québec et d’un chapiteau du Cirque du Soleil. Action Gardien a mobilisé la population à travers des pétitions et des manifestations pour contester ce projet qui ne répondait pas aux besoins locaux tels que le logement abordable ou une école secondaire. 

L’organisme propose, entre autres, d’intégrer à la planification urbaine de Pointe-Saint-Charles un quartier des artisans, un écoparc d’entreprises, une passerelle partant du parc Marguerite-Bourgeoys pour améliorer l’accès aux berges, la prolongation de la rue centre, ainsi que le réaménagement du pont tournant sur le bassin Wellington afin de le rendre accessible aux personnes à pied ou à vélo.