Assemblée publique sur les interpellations policières et le profilage racial-Commission de la sécurité publique-Montréal-11 décembre 2024
Actualités Affaires civiques Ensemble Lachine LaSalle Le Sud-Ouest Politique Verdun

Moratoire sur les interpellations policières à Montréal : la route est encore longue

Rien ne change dans le comportement des agents et agentes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) vis-à-vis des communautés racisées ? Le profilage racial au volant persiste, en tout cas, selon les études sur les interpellations policières et le profilage racial, présentées mercredi 11 décembre en assemblée publique devant la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal.

Les résultats présentés par les deux équipes de recherche se sont concentrées sur des pratiques controversées qui touchent particulièrement les populations noires et arabes. Myriam Hassaoui, de la l’Université TÉLUQ, a exposé les résultats d’une étude qualitative et quantitative qui, sur une période de huit ans, a analysé plus de 270 000 interpellations enregistrées par le SPVM. Mme Hassaoui a mis en lumière un constat alarmant : « L’immense majorité des interpellations aléatoires qui sont effectuées est initiée par les policiers eux-mêmes, plutôt que par des signalements de citoyens ».

« Déni généralisé »

Les résultats de cette étude révèlent également que les interpellations des personnes noires et arabes sont souvent justifiées par des motifs d’enquête, tandis que celles des personnes autochtones le sont davantage par une relation d’aide. Ce constat soulève des questions sur la nature même des interventions policières. « L’interpellation est une pratique indubitablement discriminatoire et qui n’avance pas en s’améliorant », a déclaré Mme Hassaoui, soulignant un déni généralisé au sein des forces de police concernant la discrimination raciale.

Les sociologues Victor Armory et Mariam Hassaoui, chargés de l’étude sur les interpellations policières. Capture d’écran du site de la Ville de Montréal.

Victor Armony, président de la première équipe de recherche, a insisté sur la nécessité d’accéder à des données récentes pour évaluer l’évolution des interpellations : « Les dernières données fournies par le SPVM sur les interpellations datent de 2021. Nous aimerions savoir si le SPVM va rendre publiques les données de 2022, 2023, et 2024 ».

De son côté, le chercheur Massimiliano Mulone a souligné que « lorsque vous discriminez une population, ce n’est pas de la sécurité que vous produisez mais de l’insécurité, donc ça va à l’encontre de la mission [du SPVM]. »

Des effets psychologiques durables

Ce point a été renforcé par la chercheuse Alicia Boatswain-Kyte, qui a évoqué les effets psychologiques durables que les interpellations peuvent avoir sur les individus, incluant la stigmatisation et une détérioration des relations entre les communautés et les forces de l’ordre.

La deuxième équipe de recherche, dirigée par la professeure titulaire et doyenne de la section de droit civil de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Marie-Ève Sylvestre, a également présenté des résultats préoccupants sur les interceptions routières, soulignant que les pratiques de profilage racial ont des conséquences disproportionnées sur les personnes racisées. Dominique Bernier, membre de cette équipe, a précisé que ces pratiques « ont des conséquences pour les personnes qui le vivent », et a mis en lumière les effets psychologiques durables, tels que l’anxiété et la peur chez les jeunes.

Le débat s’est intensifié lors de la période de questions avec des citoyens et citoyennes. Hamza Madani a interpellé les scientifiques sur les conséquences tragiques du profilage pour les jeunes, mentionnant des cas de dépression et de dérives criminelles. La réponse de l’élue municipale Daphney Colin a montré les limites du mandat de la commission qu’elle préside : « Je ne peux pas répondre présentement à la question. Nous sommes tous sensibles, mais à la partie au niveau du suivi psychologique, la Commission de la sécurité publique ne peut pas vraiment répondre. »

L’absence du comité exécutif et du SPVM indigne

Lynda Khelil, responsable des dossiers politiques de la Ligue des droits et libertés (LDL), a exprimé son indignation face à l’absence de membres du Comité exécutif de la Ville de Montréal et du SPVM lors de l’assemblée. Elle a réitéré la demande d’un moratoire sur les interpellations, rappelant que la LDL et d’autres organisations militent pour leur interdiction. « Nous avons dénoncé que M. Fady Dagher a rejeté la seule recommandation de l’équipe de chercheurs pour un moratoire », a-t-elle déclaré, appelant à une action concrète.

Les interventions ont également mis en exergue des préoccupations plus larges concernant la confiance des communautés envers la police. Laura Carli, chargée de projets à la Table des groupes de femmes de Montréal, a rappelé que les enjeux de profilage ne touchent pas uniquement les hommes, mais également les femmes et les personnes issues de la diversité de genre. 

L’assemblée a mis en lumière des enjeux cruciaux concernant le profilage racial et les interpellations policières à Montréal. Les chercheurs et chercheuses ont appelé à un moratoire sur les interpellations non justifiées, mettant en avant la nécessité d’une réforme profonde au sein des pratiques policières. Daphney Colin a estimé que même si le SPVM rejette le moratoire, le sujet n’est pas clos, laissant la porte ouverte à un dialogue continu sur ces pratiques controversées.

La route vers une réforme significative semble encore longue, mais les voix citoyennes et celles des chercheurs et chercheuses se font entendre plus fortes que jamais.

Besoin de plus de détails? Regardez l’enregistrement de la séance!

La photo en haut de cet article est une capture d’écran du site de la Ville de Montréal.


Dernières nouvelles d’ici


L’information locale, c’est important pour vous ?

Saviez-vous que vous pouvez vous impliquer dans ce journal numérique 100% local, à but non lucratif et indépendant qui a rejoint 310 044 lectrices et lecteurs en 2024.
Rejoignez notre équipe pour couvrir l’actualité locale de LaSalle, Lachine, Verdun et du Sud-Ouest ou si vous avez une entreprise, un commerce ou un organisme, devenez un Partenaire d’Ici pour vous faire connaître des milliers de personnes qui nous lisent chaque semaine tout en aidant à assurer la viabilité de notre journal à but non lucratif.

Nouri Nesrouche
Nouri Nesrouche pratique le journalisme depuis 23 ans. Après avoir travaillé pour deux grands titres francophones en Algérie, il a intégré la rédaction de Nouvelles d’ici en juin 2024 grâce à la Bourse média de la Fondation canadienne des relations raciales. Durant sa carrière, Nouri a produit de grands reportages, notamment à l’étranger, des chroniques politiques, et beaucoup d’informations de proximité. En plus de la politique et des affaires civiques, il s’intéresse beaucoup à la culture.