Près de 750 parents, membres du personnel d’éducation, et surtout des enfants, se sont rassemblés devant la mairie d’arrondissement de Verdun ce 30 septembre, à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Habillée en orange et arborant le slogan « Chaque enfant compte ! », la foule a chanté, les poings levés et au rythme des tambours, un chant de femme guerrière.
« Je suis le fils d’un survivant qui a subi beaucoup de traumatismes », s’est confié Cory Golder, originaire de la nation micmaque, devant la foule. À 73 ans, son père verse encore des larmes à chaque fois qu’il raconte son expérience dans les pensionnats, a relaté M. Golder. « Ils lui ont enlevé sa langue, ils lui ont enlevé sa culture », a-t-il décrit.
Pour une quatrième année consécutive, le Centre de la petite enfance (CPE) Soleil Le Vent a organisé cette marche en hommage aux enfants décédés dans les pensionnats pour Autochtones. Pour M. Golder, écouter et recevoir le récit des victimes est une manière de rompre le traumatisme intergénérationnel, puisque « lorsque l’on se soigne, on soigne aussi les générations futures. »
Depuis l’expérience de Phyllis Webstad, le chandail orange est devenu un symbole commémoratif pour les communautés autochtones.
« Aujourd’hui, nous nous souvenons que, pendant 150 ans, les enfants comme vous ont été arrachés à leur terre, à leurs familles, à leur culture. Pendant 150 ans, on a voulu tuer l’Indien dans l’enfant », a tonné le député fédéral Louis-Philippe Sauvé, présent à la manifestation. Les enfants auront la responsabilité de poursuivre la réconciliation, lorsqu’elles et eux grandiront, a-t-il avancé. La mairesse de Verdun, Marie-Andrée Mauger, et la députée provinciale, Alejandra Zaga Mendez, ont également assisté à la marche.
L’enseignement des cultures autochtones comme remède
Six écoles de la Commission scolaire Lester-B.-Pearson et du Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys ont répondu à l’appel de Catherine Cordier, éducatrice au CPE Soleil Le Vent et organisatrice de cette marche. Trois de ces écoles sont francophones, une première dont Mme Cordier s’est dite « reconnaissante ».
Elle avance que la communauté anglophone est généralement mieux informée que celle francophone sur les questions qui touchent les Premières Nations. Annie O’Bomsawin-Bégin, membre du comité parents du CPE, abonde dans le même sens. Par contre, la série balado Laissez-nous raconter, et la rubrique « espaces autochtones » de Radio-Canada sont une bonne introduction aux enjeux propres aux Autochtones, souligne Mme O’Bomsawin-Bégin.
Elle-même avoue ne pas être renseignée sur sa propre culture, car son grand-père n’a pas pu transmettre son savoir aux nouvelles générations. Il voulait poursuivre des études supérieures, dit-elle, mais pour conserver son statut prévu par la Loi sur les Indiens, il a dû dissimuler ses origines abénaquises, et ce, durant toute sa vie. « Ils ont demandé : “O’Bomsawin ?” Et lui, il répondait : “Ça, c’est irlandais” », explique Mme O’Bomsawin-Bégin.
Encore aujourd’hui, plusieurs personnes autochtones se sentent « coupables » de fréquenter un système d’éducation qui ne valorise pas leurs cultures, affirme-t-elle. Comme son grand-père, ces gens cachent leurs origines, « d’où l’importance d’avoir de la présence autochtone dans les écoles », selon elle.
Soleil Le Vent est le seul CPE à vocation autochtone de l’île de Montréal. « Nous sommes les seuls à partager toutes les cultures, les langues et les chants de nos nations. Apparemment, peu de personnes connaissent notre existence. Alors, bonjour ! », dit Mme Cordier, le ton invitant.
Les photos dans cet article ont été prises par Théo Bou Eid le 30 septembre 2024.
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