Sous surveillance policière, des résidents et résidentes de Verdun et des membres de plusieurs organisations ont manifesté le 10 septembre contre la conversion de logements en Airbnb dans le quartier, et l’impunité apparente de cette pratique, selon les organisateurs. À l’appel du Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV), les protestataires se sont retrouvés devant le 4021 Newmarch, un logement converti en Airbnb après l’éviction d’une mère célibataire. Cette dernière, sommée de quitter son appartement sous prétexte que le propriétaire allait l’occuper, a découvert par la suite que le logement où elle avait vécu pendant 10 ans, est aujourd’hui devenu un logement Airbnb, loué autour de 3500 $ par mois.
L’éviction dont a fait l’objet Karima Menou remonte à quatre ans, mais le « pot aux roses Airbnb » a été découvert il y a deux semaines seulement, raconte-t-elle, lorsqu’elle a été contactée par une journaliste du Journal de Montréal qui enquête sur les pratiques Airbnb et le cas de ce logement.
En prenant la parole mardi devant les manifestants, Karima n’a pu réprimer un flot d’émotions. « J’avais besoin de parler, et je ne veux pas que d’autres familles vivent la même situation parce que moi, il y a 4 ans, j’ai vécu cette situation toute seule. C’était un grand drame pour moi », a-t-elle confié à Nouvelles d’ici.
Karima décrit avoir ressenti « une grande injustice » davantage à cause de sa situation de mère célibataire, et du fait que c’est tombé sur elle en pleine crise de la COVID-19. Mais comme beaucoup d’autres, elle a choisi de quitter son logement au lieu de mener un long combat long. « Je suis partie de là, mais il y a toujours quelque chose dans mon cœur. »
Une pratique massive ?
« On est dans un système plein de failles, et le rapport de force dans lequel sont placés les locataires, personne ne veut être à leur place », a dit Quenn Brunet devant les personnes qui manifestaient. Cette militante du Syndicat des locataires autonomes de Montréal (Slam-Matu), préconise de défaire ce rapport de force en s’organisant avec ses voisins et en syndicats.
Des représentants et représentantes du Slam-Matu, du Food against fascism et du Regroupement des comités de logement et associations des locataires du Québec (RCLALQ) sont venus apporter leur soutien, et dénoncer les propriétaires contrevenants, mais aussi le système qui protège, selon eux, une pratique devenue massive, reflet de ce qu’ils qualifient de financiarisation du logement.
Le cas de Karima serait loin d’être unique. Marie-Frédérique St-Onge, coordinatrice au CACV, affirme que « des reprises de mauvaise foi, à des fins de spéculation ou pour installer des Airbnb dans Verdun, on en voit à la pelle à notre comité logement. »
L’organisme de défense des locataires avoue cependant ne pas disposer de chiffres sur les logements convertis en Airbnb à Verdun. Selon Mme St-Onge, les propriétaires intéressés poussent leurs locataires à la porte en dissimulant leur intention et en usant de prétextes, comme des rénovations ou une reprise de logement pour leurs parents âgés. « C’est vraiment au cœur du problème, parce qu’il n’y a aucun suivi qui est fait, puis les propriétaires peuvent agir de la sorte en toute impunité », déplore-t-elle.
La faille
Ce que reprochent ces adversaires à Airbnb, c’est de rogner sévèrement sur le parc locatif de Verdun et de Montréal, ce qui accentue la crise de logement et gentrifie des quartiers au détriment des populations à faible revenu. Ils pointent aussi le manque à gagner en termes d’impôts, comme ces revenus de location touristique ne seraient peut-être pas déclarés.
Les locations Airbnb ne sont pas complètement interdites à Verdun. En fait, le réglement adopté lors de la séance du Conseil municipal du 28 juin 2023, interdit les « résidences de tourisme commerciales » et autorise les « résidences de tourisme collaboratives » dans une résidence principale sur tout le territoire de l’arrondissement de Verdun. Les propriétaires gardent le droit d’avoir des hébergements touristiques de courte durée. Le CACV milite contre cette disposition. « On a tenté d’obtenir une réglementation plus serrée à Verdun, mais malheureusement, ça n’a pas été adopté par nos élus », regrette Mme St-Onge.
Cette réticence s’explique selon elle, par la tendance qui se dessine au niveau de tous les paliers de gouvernement, mettant le profit des corporations devant les droits des locataires. « On le voit avec la loi 31, qui a retiré des droits aux locataires. On le voit avec le fait que les financements destinés aux logements sociaux sont maintenant ouverts », illustre Mme St-Onge.
Interdire Airbnb
Les syndicats de locataires partagent largement l’idée que le politique ne mesurerait pas la nécessité de préserver le parc locatif en pleine crise du logement.
« La ville, le gouvernement provincial, ils disent qu’ils vont réguler et contrôler Airbnb, mais nous n’avons vu aucune réelle action. Quelle surprise ! La réglementation est trop faible, trop lente, trop facilement manipulée. La réglementation n’est pas suffisante », a dit Lyn O’Donnell pendant la manifestation du 10 septembre à Verdun.
Revendications du CACV face au phénomène Airbnb
Le CACV exige une réglementation stricte contre le phénomène Airbnb et formule ces exigences ainsi :
- L’interdiction totale de AirBnb,
- Que le propriétaire et Airbnb soient condamnés à payer une amende conséquente pour chaque nuit louée illégalement (sur le modèle de San Francisco et New York),
- Que le Ministère du Tourisme réforme la loi sur l’Hébergement touristique et permette aux municipalités d’interdire la location court terme sur leur territoire,
- Que Revenu Québec ne soit pas la seule institution à surveiller l’application de la loi, mais aussi les municipalités ;
- Que soient confisqués des biens immobiliers pour tous les propriétaires contrevenants à la loi, pour en faire du logement social, des coopératives d’habitations, des OBNL d’habitation, ou des Fiducies d’utilité sociale.
La photo d’ouverture a été prise par Nouri Nesrouche lors de la manifestation, le 10 septembre 2024.
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