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Histoire à revoir aujourd’hui : le canal de l’Aqueduc

L’histoire des rues, des parcs, des commerces et des lieux relate les efforts, succès et difficultés des personnes qui les ont planifiés, conçus et construits. Le récit des activités des générations précédentes permet de mieux comprendre nos villes. C’est l’objectif que vise cette série d’articles de Nouvelles d’Ici, Histoire à revoir aujourd’hui.

Aujourd’hui, la population du sud-ouest circule en longeant ou en traversant le canal de l’Aqueduc, sans trop l’apercevoir. Pourtant, il est essentiel à l’alimentation de Montréal en eau potable et est le résultat de multiples péripéties. Le canal fut la solution face à la pénurie d’eau, aux grands incendies et au typhus.

Les premières démarches pour l’eau potable

Jusqu’à l’année 1800, les 8 000 Montréalais et Montréalaises doivent se rendre aux puits ou au fleuve Saint-Laurent pour avoir de l’eau. En 1801, une société privée, la Compagnie des propriétaires de l’Aqueduc, débute la distribution d’eau potable avec des tuyaux en bois.

En 1816, le commerçant Thomas Porteous rachète l’entreprise. Il investit afin d’installer des tuyaux en fonte et des pompes à vapeur qui puisent l’eau dans le Saint-Laurent, près de la rue Berri actuelle. 

En 1845, la Ville de Montréal achète une partie du réseau et construit un réservoir sur le site actuel du carré Saint-Louis, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Il y a de nombreuses difficultés : bris fréquents des conduites d’eau, désuétude des réservoirs et insalubrité de l’eau.

En 1852, deux incendies ravagent Montréal. 1200 maisons sont détruites et 9 000 des 40 000 membres de la population se retrouvent à la rue. L’incendie a également presque entièrement détruit le système d’aqueduc.

Les débuts du canal

Entre 1854 et 1856, l’ingénieur Thomas Coltrin Keefer fait creuser un canal à découvert de 8 km avec une embouchure de 2,4 km, en amont des rapides de Lachine. Le canal fait près de 12 mètres de large et environ 2,4 mètres de profondeur. Il traverse Verdun et la paroisse des Saints-Anges de Lachine, aujourd’hui LaSalle.

Dans la paroisse des Saints-Anges de Lachine, plusieurs propriétaires agricoles doivent céder une partie de leur terre pour le creusement du canal. Historiquement les terres de Lachine et de LaSalle avaient été divisées en bandes parallèles étroites, perpendiculaires au chemin du Roy, aujourd’hui boulevard LaSalle. Les terrains se retrouvent donc séparés en deux parties par l’eau.

Selon Bruno Boucher et Denis Gravel, dans Propriétaires et promoteurs à LaSalle, « le plan d’action de la Ville de Montréal prévoit, pour ceux qui en feront la demande, la construction de ponts afin de relier les terres divisées. Or, il semble que peu de gens se soient prévalus de ce droit, préférant la construction d’un chemin longeant le canal jusqu’au chemin du Bas-Lachine et un dédommagement monétaire. »

Le pont LaSalle, dans une photo prise en 1920. Source: Bibliothèques et Archives nationales du Québec (BANQ)

Un propriétaire est néanmoins intéressé par l’idée d’un pont qui serait entretenu par la Ville : William James Knox. La famille Latour se prévaut aussi de ce droit. À l’époque, ce n’étaient que des ponts de bois, permettant aux fermiers et fermières et leurs bêtes de circuler. Aujourd’hui, le pont Knox relie les boulevards Bishop-Power et Shevchenko et le pont Latour est situé au bout de la rue Dollard.

Au début, le canal de l’Aqueduc amène l’eau jusqu’à un pavillon doté de pompes, qui achemine ensuite l’eau jusqu’au réservoir McTavish sur le flanc sud du Mont-Royal. Le stockage en hauteur permet une distribution par la gravité.

Les débuts de la mise en fonction du canal sont pavés d’embûches : accumulation de frasil (glace sur le bord de l’eau), refoulement des eaux, bris de canalisation, débordements, puis réduction de la capacité. 

Les ingénieurs et les échevins ont de grands débats sur les solutions à apporter, selon les coûts. Ils tentent des améliorations avec une jetée sur le fleuve et de nouvelles pompes, sans succès. 

Finalement l’amélioration apportée en 1877 règlera les principaux problèmes. L’entrée du canal est déplacée d’environ 914 mètres vers l’ouest. Sa largeur est plus que doublée, pour passer de 12 mètres à un peu plus de 30 mètres. Sa profondeur est désormais d’environ 4,2 mètres, contre les 2,4 mètres initiaux. Le boulevard Champlain actuel suit le premier tracé du canal.

Une carte détaillant les modifications au tracé du canal de l’Aqueduc, par les deux flèches en bas, au bout du tracé Montreal water works aqueduct. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ)

Les besoins continuent de grandir avec la population qui désire maintenant un certain confort. Les luxes de l’eau courante, de la toilette à chasse d’eau et des bains chauds deviennent désormais de plus en plus abordables.

Le canal sera encore élargi. Plusieurs autres réservoirs sont construits afin d’améliorer la pression dans les tuyaux. Aujourd’hui, plusieurs existent encore à flanc de montagne mais sont peu connus parce qu’ils ont été recouverts.

En 1907, une nouvelle prise d’eau est construite plus loin de la rive. Des analyses ont démontré qu’à certaines périodes de l’année, l’eau puisée près du rivage est grandement affectée par l’eau polluée à cause de la drave de la rivière Outaouais.

Qualité de l’eau

Une épidémie de typhoïde a lieu à Montréal entre 1900 et 1912 et cause plus de 300 morts. La typhoïde est due à une bactérie qui se transmet via l’eau contaminée. 

Il a été même envisagé de cesser de recourir au canal de l’Aqueduc, et d’aller chercher l’eau dans les Laurentides. Finalement, une analyse a permis de déterminer la méthode de filtration à utiliser pour éliminer la typhoïde. L’usine de traitement d’eau Atwater, qui utilise la filtration au sable, est érigée entre 1912 et 1918. 

En 1912, LaSalle se sépare de Lachine et hérite de terres principalement agricoles. Le territoire est divisé par les deux canaux, le canal Lachine et le canal de l’aqueduc. Ces canaux incitent les citoyens et citoyennes de l’ouest de LaSalle à fréquenter surtout les commerces de Lachine. Les personnes résidentes de l’est se tournent vers les commerces de Verdun.

La Ville de Montréal municipalise tous les systèmes d’aqueduc privés en 1927 et devient le seul fournisseur d’eau sur son territoire. 

Comment les travaux étaient-ils faits en 1932 ? Source : Archives de la Ville de Montréal

Après la Seconde Guerre mondiale, la population connaît une croissance rapide. Les besoins en eau augmentent encore considérablement. Les installations sont continuellement agrandies et améliorées pour les chambres de vannes, pompes, ponts et parois du canal. 

En 1951, la Ville de Montréal érige une nouvelle station de pompage et construit une nouvelle prise d’eau au fleuve afin de capter l’eau à une grande distance de la rive où l’eau est bien oxygénée et la turbidité est faible.

Aujourd’hui

Le canal de l’aqueduc est bien intégré. Le sol du parc Marie-Claire-Kirkland-Casgrain contient beaucoup d’équipements utilisés ou abandonnés. Des abords de ce parc, provient la majorité de l’eau potable qui alimente Montréal en passant par l’usine Charles-J.-Des Baillets. Inaugurée en 1978, elle travaille en relais avec l’usine Atwater

Il y a la petite baie de Quenneville qui attire les canards, un poste d’observation sur la jetée et un autre poste avec des panneaux qui décrivent l’histoire de l’Aqueduc. 

Dans le parc Marie-Claire-Kirkland-Casgrain, le bâtiment de service d’eau actuel a une section pour chambres de vannes qui rappelle l’ancien pont LaSalle, avec toit en terracotta. Une autre section, plus récente, est dédiée aux équipements de traitement d’air des eaux usées avec géothermie et panneaux solaires.

Le canal de l’aqueduc de Montréal contribue à un service essentiel encore aujourd’hui. À proximité du canal, il y a les jardins de la Société d’horticulture des Rapides, une piste cyclable, des lignes hydro-électriques de Hydro Québec et un pumptrack, inauguré le 12 octobre 2024.

Le Corridor écologique du grand Sud-Ouest inclut le verdissement de chaque côté du canal de l’Aqueduc comme contributeur à la conservation de la nature sauvage et de la biodiversité.

Pour les curieux et les curieuses : Le site des archives de Montréal foisonne de textes, photos, plans et schémas d’époque, au sujet du canal de l’Aqueduc. On y voit, entre autres, des photos du pont LaSalle en construction en 1919.

L’image mise de l’avant est un photocollage d’une image d’archives de la Ville de Montréal lors de l’élargissement du canal de l’Aqueduc en 1914. La seconde a été prise par la journaliste citoyenne Marie Guertin.


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Marie Guertin
Résidente de La Salle depuis 40 ans, Marie est nouvellement retraitée. Elle a maintenant du temps pour ses nombreuses passions : les voyages, ses petits-enfants, les évènements culturels, l’histoire, le vélo électrique et le pickleball. Elle est aussi membre de la première cohorte des ateliers d’initiation au journalisme citoyen de Nouvelles d’Ici.