Une autocaravane des années 1975, avec le logo de Destination Travail.
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Comment desservir LaSalle pour aider les jeunes à risque ? Un Winnebago 1975 est la réponse d’organismes communautaires

Dans la ruelle derrière le stationnement au croisement de la 2ème Avenue et de la rue Centrale à LaSalle, se trouve une autocaravane de modèle Winnebago Indian 1975. Alors que ses réfections touchent à leur fin, le véhicule sillonnera le vaste territoire laSallois, à la recherche de ceux et celles qui errent et qui ne savent où trouver de l’aide.

À bord du véhicule, le 10 décembre dernier, le directeur général de Destination Travail, Philippe Tisseur, tourne la clé à plusieurs reprises dans le démarreur. Après quelques tentatives où seul le grésillement du moteur se fait entendre, l’étincelle prend enfin et l’engin rugit. 

Sous le capot, tout marche, mais problème: le ventilateur émet bien plus de décibels que de celsius. Le bruit est trop élevé et le chauffage, trop faible.

Le Winnebago ne doit pas juste rouler. Il doit également accueillir des gens, pour s’y asseoir et discuter longuement avec le futur personnel intervenant qui y sera à bord. « On doit tester les fonctionnalités électriques. Est-ce qu’il faudra changer les ventilateurs ? Il restera probablement des choses à corriger », soupire le directeur général.

Le véhicule est « une autre façon de rejoindre les jeunes dans leurs milieux » dès l’âge de 15 ans, avance la directrice de l’organisme Cumulus pour la prévention des toxicomanies, Marie-Claude Sauvé. La difficulté pour tout le milieu de l’intervention sociale, explique la directrice, c’est d’entrer en contact avec les jeunes qui ne se tournent pas vers les organismes communautaires et les institutions. 

Avant de se trouver complètement à la rue

L’organisme Cumulus est un des partenaires du projet chapeauté par Destination Travail, qui a acheté le véhicule pour 9 000 $. La Maison des jeunes (MDJ) de LaSalle est également impliquée, avec son expérience en matière d’intervention sociale par le travail de rue.

Le Winnebago 1975 servira de halte-chaleur, explique le directeur de la MDJ de LaSalle, Sébastien Babeux. Sans refuge du genre, le travail de rue se fait en donnant rendez-vous dans des restaurants ou cafés tels un Tim Horton, illustre-t-il. « Ce sont des interventions complexes à faire, quand une personne pleure ou qu’elle est malade. Ce n’est pas facile pour elle et les commerçants ne s’emballent pas non plus », explique-t-il.

Le phénomène de l’itinérance à LaSalle est devenue une préoccupation pour la MDJ laSalloise depuis la crise sanitaire de la COVID-19. C’est surtout auprès des jeunes en situation d’errance que M. Tisseur souhaite intervenir grâce au Winnebago. « L’itinérance est une voie de sortie de l’errance », qualifie-t-il. Le directeur utilise le terme errance pour parler des personnes qui sont dans une situation de mal-logement, mais qui ne sont pas totalement sans toit.

À l'intérieur du Winnebago Indian 1975, photo prise depuis la banquette tout en arrière de l'autocaravane.
M. Tisseur teste l’autocaravane. La banquette jaune a été modifiée en installant un cuir qui ne s’use pas au nettoyage. Le tapis vert à l’avant a été également refait. Au dessus du tableau de bord, se trouve un nouvel écran, pour assister lors de manœuvres de marche arrière.

À titre d’exemple, c’est le cas d’un individu qui passe une semaine sur le canapé d’une connaissance, avant d’aller chez une autre. Il peut s’agir également d’une personne dans un logement surpeuplé et insalubre, qui passe alors la majeure partie de son temps à l’extérieur de son domicile. 

Le phénomène de l’errance est peu documenté, avance M. Tisseur. « On va apprendre beaucoup avec le Winnebago, qui sera notre école. Il n’y pas de véhicules de ce type sur le territoire de LaSalle, et il faudra construire une expertise », déclare-t-il.

Le recours à un véhicule est aussi nécessaire que LaSalle est vaste et peu dense, décrit la directrice de Cumulus, Mme Sauvé. « La pauvreté est éclatée à plusieurs endroits de l’arrondissement de LaSalle plutôt que d’être concentrée. Il est dur de s’y déplacer en transports en commun et il y a peu d’organismes pour l’étendue du territoire », analyse-t-elle. 

Le territoire laSallois a une population de 82 235 personnes sur une superficie de 16,38 km2, selon le dernier recensement de 2021. Ce sont donc environ 5 020 personnes par kilomètre carré.

À titre comparatif, Verdun compte 70 377 habitants et habitantes sur ses 9,68 km2. C’est une densité de près de 7270 personnes par kilomètre carré, soit 2 250 unités de plus que LaSalle.

Frapper l’œil

Que ce soit dans les rues ou dans les parcs, il s’agit d’utiliser cet engin d’une autre époque pour capter l’attention du public et établir un premier contact. De la nourriture sera également distribuée pour faciliter l’approche. Ainsi, ces personnes pourront être accompagnées vers les services publics et communautaires pour recevoir de l’aide à plus long terme

Tout est fait pour conserver le cachet des années 1970 du véhicule récréatif, affirme le directeur général de Destination Travail, Philippe Tisseur. C’est ce qui fait qu’il « accroche l’oeil », selon lui.

Sur les deux côtés de l’autocaravane, se trouve le logo de l’organisme d’employabilité qui a acquis le véhicule au début de l’été 2024. La police d’écriture de type Cooper Black Swash rappelle l’esthétique du style hippie, en plus des pétales de fleur. « Il faut respecter le véhicule, ça a cinquante ans », évoque M. Tisseur.

Il a fallu néanmoins remettre en état le Winnebago. Le moteur, le radiateur, le cuir des banquettes de la cuisine et à l’arrière du véhicule et même la tapisserie au poste de conduite: « tout a été refait dedans », résume M. Tisseur. Il reste encore le carburateur à modifier, ajoute-t-il. 

Seul le test sur le terrain dira ce qui reste à corriger pour que le Winnebago soit en état de mener sa mission.« [Le véhicule sera sur le terrain] aussi tôt que j’ai de l’argent pour mettre un conducteur, parce que la magie ça va être la personne qui est derrière le volant », avance M. Tisseur.

Myrialine Catule a effectué l’entrevue avec le directeur de la MDJ de LaSalle, Sébastien Babeux.

Les images de cet article ont été prises par Aziz Mestiri le 10 décembre 2024.


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Aziz Mestiri
Aziz Mestiri est journaliste au pupitre et sur le terrain à Nouvelles d'Ici ainsi que chargé de projets. Originaire de Tunisie, Aziz s’est formé en psychologie et en sociologie à l’Université de Montréal où il a travaillé dans des équipes de recherche en sciences humaines. En 2021, il se réoriente vers le journalisme, en rejoignant les Hebdomadaires de l’Ouest de l’ancien Journal Métro. Sélectionné au stage estival du quotidien Le Devoir en 2023, il a ensuite occupé les fonctions de chef de section au journal étudiant Le Quartier Libre. Aziz est passionné de journalisme sous toutes ses formes (reportages, pupitre, etc.), et il aime discuter des subtilités du quatrième pouvoir avec le grand public.