La dégradation du pouvoir d’achat pèse lourd sur le cœur des Montréalais et Montréalaises. Dans cette jungle urbaine où chaque sous compte, des petites mains se lèvent pour faire une différence dans le quartier de Verdun. C’est ici qu’intervient Phil Lang, bénévole au sein d’une équipe dévouée à la collecte de denrées alimentaires pour les banques alimentaires locales. Et aujourd’hui, il se charge de former une nouvelle volontaire.
Il est 15h et Julie Paquette est au rendez-vous devant le 383, rue de l’Église. Elle n’a jamais conduit une voiture de grande taille, mais elle attrape sans hésitation les clés que lui tend M. Lang et se met au volant. C’est son premier jour et elle est envoyée directement au front, sans exercice préalable. Visiblement rompue aux défis, Julie s’en va dompter la mini-fourgonnette et absorber le flot d’informations précises que lui envoie son collègue sur le chemin du premier point de collecte. Le temps est serré : moins de deux heures pour faire 5 cueillettes et aller remettre les dons à la banque alimentaire, Casa CAFI avant que pointent les demandeurs.
Bénévoles recherchés
Premier arrêt : le CHSLD Réal-Morel. En quelques manœuvres, le véhicule est stationné dans la cour arrière de l’établissement et Julie introduit le code que lui donne Phil pour ouvrir la porte de service. Depuis des années, le groupe a pris ses habitudes et construit toute la confiance nécessaire pour travailler avec le centre Réal Morel qui est connecté avec le réseau de la Tablée des chefs, un service de mise en relation entre ceux qui veulent donner et ceux qui en ont besoin en termes d’organisme. « Ça évite le gaspillage et puis ça profite aux gens qui ont besoin », explique M. Lang.
Mme Paquette a fait la connaissance de cette initiative lors de La foire des possibles. Quand elle a vu à l’appel aux bénévoles, elle a tout de suite répondu. Le groupe a lancé récemment un appel pour recruter des bénévoles, et un appel d’urgence pour un remplacement. L’équipe est très réduite et quand il en manque un, la machine est déséquilibrée. « Cet été, on a eu de la chance. On en a trouvé trois nouveaux qui nous ont permis de prendre des congés. Là, on a quelqu’un qui quitte, et on a déjà trouvé le remplaçant. On espère juste que ça va durer », souligne Phil Lang. L’idéal pour lui est de doubler l’effectif, cependant. La demande grimpe et il reste encore de la marge pour récupérer plus et distribuer plus d’aliments, selon lui.
Garder les banques alimentaires à flot
La faim menace comme un couperet et il faut maintenir la collecte à flot pour garder cet équilibre fragile. De nombreux foyers doivent jongler avec des budgets serrés et la demande pour les banques alimentaires est en constante augmentation. « Il y a encore des gens qui ne mangent pas à leur faim à Verdun, malheureusement. Il y en a qui font toutes les banques alimentaires dans la semaine, ils vont faire les 3 ou 4 distributions différentes pour se nourrir », regrette M. Lang.
Devant le Manoir de Verdun, un homme dans la trentaine s’approche des deux bénévoles alors qu’ils chargent des plats congelés à l’arrière de la voiture. Il explique qu’il n’a pas de nourriture à la maison pour son père et demande à avoir un plat. Pédagogique, Phil lui explique que c’est au niveau de la banque alimentaire qu’il peut avoir son panier et que s’il n’est pas inscrit, mieux vaut pour lui de le faire pour en bénéficier durablement. L’homme insiste et finit par repartir avec son repas du soir.
« Ici, à Verdun, comme dans tout Montréal, la problématique d’alimentation n’est pas une chose facile. Tout le monde a besoin de quelque chose pour manger, mais malheureusement, avec le loyer et tout ce que doit payer la famille, ce n’est pas suffisant pour bien s’alimenter », confirme Ana Gloria Blanch, directrice du Centre d’aide aux familles immigrantes, la Casa CAFI. Tous les jours, son organisme distribue des paniers et tous les jours il y a du monde, nous dit-elle. Des pères et mères de familles, beaucoup d’itinérants, affirme-t-elle, au point où son organisme est débordé. « Maintenant, nous allons arrêter un peu d’accepter des gens parce que chaque jour, chaque semaine, c’est plus de gens qui viennent. Oui, la liste s’allonge », s’alarme Mme Blanch.
Intervenir rapidement
Phil Lang intervient dans les banques alimentaires depuis 2015. Mais convaincus de pouvoir agir plus efficacement en étant indépendants, Phil et ses amis ont fini par fonder ce circuit alimentaire court à Verdun. À quatre, ils récupèrent dans des épiceries et des hôpitaux, quatre fois par semaine des denrées alimentaires encore comestibles. « Ça me tenait à cœur parce que je travaille en environnement et j’étais sur le conseil d’administration d’une banque alimentaire et je voyais tout ce qu’on perdait, parce qu’ils n’ouvraient qu’une journée par semaine et le reste était jeté. Ça me fendait le cœur », dit-il.
Critiquant quelques failles dans le système des banques alimentaires montréalaises, Phil Lang estime qu’à Verdun la machine est assez structurée. Le groupe travaille en effet en étroite collaboration avec d’autres organismes communautaire, notamment Entre tes mains, la friperie communautaire qui prête la mini-fourgonnette, des élus de l’arrondissement ou encore la députée Alejandra Zaga Mendez qui prend en charge le carburant. « Ça prend un village. C’est un beau travail d’équipe », lance modestement Phil Lang pour souligner cette synergie.
Dignité et humanité
En attendant de fonder une épicerie communautaire dans un espace avec de grandes capacités de stockage, comme l’épicerie Le Détour à Pointe-Saint-Charles, de nombreux organismes de distribution de Verdun peuvent encore compter sur le circuit court de Phil Lang et ses bénévoles. Ce dernier profite, en plus de la Casa CAFI, à la MANA à l’Île-des-Sœurs, l’église Saint-Willibrord, la Maison Benoît-Labre, à Saint-Henri, l’organisme de réinsertion Amalgame ou encore le Meubles Bazar Grand Berger à Pointe-Saint-Charles.
La journée se termine après une tournée de 5 établissements : le Réal Morel, IGA, Marché Tondreau, Fruiterie Vert-Pommes et enfin le CHSLD Le Manoir. Julie Paquette et Phil Lang sont satisfaits de leur journée, une satisfaction due aux dons généreux qu’ils ont pu récolter et de savoir que beaucoup de familles ne dormiront pas les ventres vides ce soir.
La photo, en haut de cet article, a été prise par Nouri Nesrouche en septembre.
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